BLEU MIROIR
Choisir c’est renoncer, disait Gide. Pour notre première résidence, nous avons choisi de renoncer à nos propres limites. Il nous fallait accepter l’autre, le laisser prendre possession de notre espace, s’y installer, y travailler, y vivre. Avec nous, contre nous.
TRAMES a porté son choix sur Dr.Ziz et Noami Lulendo. Ils ne se connaissaient pas avant cette résidence, mais se sont peu à peu trouvés, confirmant notre pressentiment. Jour après jour, ils esquissaient leur art autour d’une même couleur dominante, le bleu. Bleu était leur lien, leur affinité révélée. Comme au terme d’un long face à face. Comme face à soi-même. Comme devant un miroir.
Imaginer le miroir comme un reflet, c’est observer une danse à deux temps, écouter un dialogue entre deux artistes, pourtant séparés par une vitre, encore une. C’est leur prêter un lien au-delà de leurs différences : origines, techniques, et obsessions. D’un côté, la musique, l’agitation comme source de plaisir ; de l’autre, le silence, la sobriété pour mieux détourner les objets. Pourtant, ils se voient de la même manière, comme identiques : « il bouillonne » dit-elle ; « elle est un ouragan » dit-il.
Très vite, nous avons compris qu’ils allaient laisser, en plus de leur souvenir, les traces indélébiles de leur passage sur nos murs. Car, ils s’étaient promis de mettre en mouvement « cette machine créatrice » (Dr.Ziz) après avoir soigneusement vérifié qu’elle ne portait « pas trop de significations » (Noami Lulendo) qui déformeraient le miroir dans lequel ils allaient oser se regarder, dans le secret de leurs ateliers, dorénavant interdits d’entrée.
La peur de se voir exclus de notre propre espace était confirmée, l’inversion des rôles, la traversée du dernier miroir, devenir l’autre, être l’autre. Et, comme dans tout passage, se laisser transformer à jamais, éblouis et heureux. BLEU MIROIR.
Riad FAKHRI
